Fraternité
J'avais si peur avant qu'elle naisse, peur de ne pas y arriver, de ne plus trouver de temps pour moi, de ne plus avoir de temps pour nous deux, nous trois, nous quatre...malgré les jours qui passaient, les jours à quatre, malgré les petites mains qui s'ouvraient à moi, les yeux qui s'ouvraient de plus en plus au monde, malgré tout l'amour, prouvé encore et encore, de celui qui partage ma vie, malgré les merveilleux moments partagés avec mon piou, cette peur n'était pas tout à fait guérie.
Ce midi, alors que je préparais un biberon pour Rosie, je l'ai entendu, avec sa petite voix aigüe, sa voix de petit garçon, je l'ai entendu la consoler, ma petite qui s'impatientait, je l'ai entendu lui dire avec ces mots : "Pleure pas "Dotie", pleure pas, manger biberon", tout doucement, comme un grand qui console un plus petit, tout calmement, lui qui est si plein d'entrain et d'énergie. Et je les ai surpris, les yeux dans les yeux, lui agenouillé près d'elle, elle qui le dévorait des yeux, un dialogue entre un frère et une soeur, entre deux petits êtres que le temps se met à rapprocher. Puis il lui a déposé deux bisous, sur la joue, puis un troisième, "pleure pas Dotie", elle ne pleurait plus depuis bien longtemps.
Une petite larme a roulé sur ma joue, puis deux, et les autres qui ont suivi, larmes de bonheur, de soulagement aussi, car à cet instant que j'ai compris la véritable peur qui ne me quittait pas depuis tout ce temps, celle qui se cachait derrière toutes les autres : j'avais peur qu'il ne l'aime pas, elle l'aimerait, c'était sûr, mais lui, j'avais tellement peur qu'il la rejette.
Aujourd'hui petit Piou m'a montré qu'il aimait sa petite soeur, il m'a montré que son coeur aussi avait grandi , il m' a ôté le petit voile que j'avais sur le coeur parfois. Il l'aime, ces deux-là s'aiment et cette évidence me fait déborder le coeur.