Le jour où tu es né...
Cela faisait deux nuits que je ne dormais pas; deux nuits de contractions qui se rapprochaient, s'intensifiaient puis s'arrêtaient au petit matin. Deux nuits les mains posées sur mon ventre, à te sentir et t'"écouter"; je me disais "non, il n'est pas encore temps", il est trop tôt de trois semaines, et puis tu bouges beaucoup; il paraît que bébé ne bouge pas lorsqu'il est prêt à arriver. J'attendais, patiemment, pleine d'interrogations mais pas inquiète. J'entendais le chat ronronner, soupirer, il dormait d'un sommeil sans faille, quant à papa, je l'avais laissé dormir tranquillement et j'avais quitté le lit aussi doucement que possible. Allongée sur le canapé, un plaid sur mes jambes, je comptais; les contractions, les minutes qui les séparait, ça se rapprochait, oui, ça devenait douloureux, mais j'avais appris à respirer, et je faisais comme on m'avait appris. Au matin de la deuxième nuit, papa a dit "allons à la maternité, juste pour voir". Je ne voulais pas, il est trop tôt, je vais y aller pour rien, je ne prends pas la valise. Papa a dit "si, tu la prends". Juste la petite alors? Non, papa a pris les deux valises, la petite et la grande. A peine installée dans la voiture, les contractions disparaissent, cette fois c'est sûr nous y allons pour rien. Mais nous sommes partis...
Arrivés à la maternité, le médecin m'examine et me dit que ça y est, bébé sera là d'ici la fin de la matinée. Je crois que je ne réalise pas, je monte en salle d'accouchement, je me déshabille, je m'installe sur le lit, ton papa à mes côtés et nous attendons, nous t'attendons. J'ai sans cesse cette phrase qui me revient "Il sera là d'ici la fin de la matinée", ce n'est pas possible, la fin de la matinée, c'est à peine dans quelques heures, quatre pas plus. Cela me semble surréaliste. Je n'ai pas mal du tout, la péridurale est efficace, le temps passe vite, ton papa est toujours à mes côtés, calme et à mon écoute. Il porte un chapeau en papier, des chaussons en papier sur ses chaussures. Il est toujours souriant, c'est ton papa. De temps en temps, il s'absente pour téléphoner aux mamies, elles t'attendent impatiemment tu sais. A un moment, on entend une dame qui crie dans la salle d'à côté, une dame qui dit qu'elle a mal, puis quelques minutes plus tard, le bébé qui vient de naître et qui pleure. En quelques secondes nous sommes très inquiets, nous avons peur papa et moi, et puis ça va passer...
Le temps passe et tu ne descends pas, tu es toujours aussi haut dans mon ventre, je crois que tu y es bien. Mais plus on attend comme ça, moins on aura de chance que tu naisses naturellement, plus on va devoir demander de l'aide. Je ne veux pas, inconsciemment je "prie" pour qu'on y arrive tous les deux, tous seuls, j'y crois fort, j'ai confiance en toi. Et petit à petit je te sens arriver, je sens que je dois pousser, je ne peux pas me retenir, pourtant il va falloir attendre un peu, le médecin n'est pas là. Je sais dès lors que tout va bien se passer, papa et moi sommes rassurés. Quand le médecin arrive et qu'il dit que "ça y est, c'est pour maintenant", je suis heureuse. Je pousse, deux ou trois fois il me semble, je te sens arriver, je n'ai pas mal, je regarde ton papa qui ne me regarde pas, il guette ta venue. Je pousse une dernière fois et tu es là. Ce que je vois en premier, ce sont tes cheveux, tes longs cheveux noirs, tu en as plein. On te pose sur mon coeur, tu es tout chaud, tu es tout gluant, tu es encore rempli de moi. Tu parais fort, mais tu me sembles aussi si fragile, tu me regardes, je vois ton regard, tes grands yeux qui me fixent, comme si tu savais que c'était moi ta maman. J'ai l'impression que tu en sais déjà plus que moi, que c'est toi qui va m'apprendre à devenir maman. Et dans ce regard, je lis tout ce que tu veux bien me dire, tu me parles déjà, le temps est comme suspendu, je suis en train de réaliser à quel point je t'aime déjà.